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Bleu délavé

Bleu délavé
Wikimedia (CC-BY-SA-4.0)

Le bleu France a pu être de mode ces dernières années. Au point d'avoir un temps déteint le bleu céleste du drapeau argentin. Mais les couleurs de la bannière française ont bientôt perdu de leur éclat, suite aux échecs répétés d'une sélection dépourvue de fond de jeu; confirmés lors de l'Europeo 2024 et à l'entame de la Ligue des Nations européennes.

La récente victoire sur les diables rouges, loin des standards qui les avaient légitimés comme potentiels vainqueurs d'une grande compétition internationale, ne cachera pas la réalité: le bleu de France est délavé.

France-Italie

On ne peut occulter la piteuse prestation d’une EdF fantomatique, largement dominée par une squadra azurra motivée et appliquée, à défaut de compter dans ses rangs quelque foudre de guerre. Malgré la vélocité de Barcola, les transalpins étaient les premiers sur le ballon, gagnaient les duels, couraient plus et plus vite que des Bleus amorphes et se retrouvaient à plusieurs aux points de rencontre. De quoi prendre la mesure de nos coqs en berne.

Dans une défense gruyère avec un Simba méconnaissable, un Konaté version microscopique de l’ancien géant des Reds, un Jonathan Clauss ni défenseur ni piston, Mike Maignan a tenté d’exhorter ses coéquipiers à lutter. Peine perdue!

La faillite d’un milieu de terrain transparent, composé de joueurs à vocation essentiellement défensive (Fofana à la dérive, Kanté malheureux) et d’un Griezmann absent (sélectionné au dernier moment…), a condamné les attaquants à un jeu offensif pauvre. Barcola et Olise ont cependant laissé entrevoir leurs qualités. Dembélé a rappelé sa propension à terminer en eau de boudin les actions qu’il initie parfois remarquablement.

Mbappé poursuit sa convalescence après une saison où il a été débordé par les conflits que lui a imposés Nasser El Khelaïfi, le DG multicartes du PSG. Kylian n’est plus irrésistible. Et même si sa forme s’améliore, il demeure l’ombre du buteur qu’il était voilà un an.

France-Belgique

A l’issue d’une première mi-temps léthargique, l’EdF a pris le dessus sur une équipe belge où De Bruyne et Doku auront prêché une heure dans le désert avant de jeter l’éponge. 

Dommage que Domenico Tedesco ait laissé aussi longtemps sur le banc des visiteurs le De Ketelaere fringant de Bruges, Milan et Bergame. Et que Courtois, meilleur gardien du monde, décline toute sélection sous la houlette de cet  entraîneur.

La victoire des Bleus a été soulignée avec enthousiasme sur les antennes de TF1. Pas sur Tiro Libre, qui a retrouvé non sans soulagement une défense vigilante; et qui se réjouit du retour aux affaires de l’admirable Kanté. Mais comparer le volontaire Manu Koné au talentueux Paul Pogba ne nous semble pas raisonnable.Tout comme encenser le déroutant Dembélé quand il marque un but… Quitte à occulter les nombreuses occasions vendangées par l’ailier du PSG. 

L’absence de leader

L’EdF continue à jouer sans leader sur le terrain. Pour combien de temps encore? Kylian est un piètre capitaine. Et ne sera jamais un leader par l’exemple. La pauvreté du jeu actuel de Grisou en EdF contraste avec ses performances chez les colchoneros. La décision de Didier Deschamps de confier le brassard de capitaine à MBP donne à penser que la relation d’Antoine Griezmann avec le sélectionneur national n’est pas étrangère au maigre rendement en bleu du joueur de référence de l’exigeant Cholo Simeone.

Kanté peut assurer l’intérim du capitanat. Et Mike Maignan prouve qu’il a le profil du job.

Défense à 3

Marqué par son expérience piémontaise au royaume du catenaccio, Didier Deschamps a toujours préconisé une stratégie défensive, avec 4 arrières en position basse sur le terrain. Sur les recommandations de son assistant Guy Stephan, il avait décidé il y a trois ans de tester la défense “à 3 centraux”. Mais timidement, avec des défenseurs positionnés à peine plus haut que précédemment, une vigilance défensive constante et une participation des arrières et des milieux au jeu d’attaque beaucoup trop limitée. D’où des essais peu concluants, vite abandonnés à l’Euro 2024 car l’EdF se retrouvait affaiblie en défense, sans renforcer son potentiel offensif. 

Or, le choix d’une défense à 3 suppose la volonté d’imposer un football offensif basé sur un milieu à 5 de préférence; où les 2 Pistons provoquent les latéraux adverses dans leurs couloirs pour créer le surnombre et où les autres demis plongent se joindre à leurs avants de pointe. L’objectif est de compenser l’infériorité numérique des attaquants affrontant l’arrière-garde adverse, afin de faciliter la création de danger chez l’opposant. 

La baguette

Le jeu offensif est une affaire de techniciens. Leur maîtrise à la baguette assure la possession, dicte le tempo et oriente le jeu. Leur créativité permet de fournir aux attaquants des occasions de but et des situations favorables à la conclusion des attaques.

Un demi défensif situé en sentinelle devant ses défenseurs peut opposer un premier obstacle aux attaques adverses. Les autres milieux doivent être dotés d’une technique fine et d’un sens du jeu précieux pour maintenir la possession de la balle et transformer en attaques les ballons récupérés.

Soutien et possession

La  défense à trois prend tout son sens si elle est accompagnée d’un positionnement haut des défenseurs, qui raccourcit les distances entre les lignes. Une proximité qui encourage le jeu sans ballon et le soutien au porteur du cuir; lequel peut choisir la meilleure option de passe à effectuer, garante de la possession et de la bonne orientation du jeu. 

Cette proximité rend possible un pressing systématique efficace pour la récupération de la balle dans les pieds de l’adversaire; ou sa relance forcée, imparfaite, aux dépends de la construction du jeu de la formation rivale. 

La Défense à trois, en avançant, suppose une option stratégique collective résolument offensive. En alignant 4 arrières et 3 demis récupérateurs souvent acculés dans leur camp et défendant sur le reculoir , l’EdF renonce à un jeu offensif.

L’échec des Bleus dans leurs tentatives de défense à trois, s’explique par l’application à minima, trop craintive, d’un système de jeu auquel Didier Deschamps ne croit pas vraiment.

Paradoxalement, la squadra azurra aura donné une leçon de foot à l’EdF grâce à sa détermination, en pratiquant un jeu défensif moderne, pragmatique et à visée offensive. Nombre d’équipes transalpines l’ont substitué au catenaccio, dans le but de surfer sur la règle de la victoire à trois points; tandis que les Bleus, faute d’audace, ont appliqué une philosophie digne de nos voisins italiens d’il y a plus de trente ans!

Le pragmatique irréaliste

Le pragmatisme de Didier Deschamps a triomphé en 2018. Grâce à un groupe de joueurs parfaitement complémentaires. Une équipe arc-boutée sur sa base-arrière, redoutable par l’efficacité de ses contre-attaques tranchantes. 

Avec le phénomène Kanté et le généreux Matuidi, cette France jouait à 12. Ce duo faisant office de premier rideau, facilitait grandement le travail des défenseurs positionnés bas sur le rectangle vert. 

Les techniciens Griezmann et Pogba construisaient le jeu. Grâce à la précision de sa passe longue, « La Pioche » était la rampe de lancement idéale pour les chevauchées d’un Mbappé surprenant les défenseurs adverses par sa vitesse et son culot.   

Les équipes de Deschamps ont toujours reposé sur une base défensive, du 4-3-2-1 au 4-2-3-1; rarement en 4-3-3. Dans un esprit renonciateur, sans pressing véritable de la part des attaquants. Cette philosophie minimaliste a été validée par les résultats obtenus.

Mais désormais, l’EdF se trouve en panne de résultats. Privés de Pogba; avec un Griezmann moins performant en bleu; un Mbappé perdu par son conflit avec Nasser al-Khelaïfi et sa dispersion dans trop de sollicitations extra sportives.

Le système de jeu sur mesure pour les bleus de 2018 n’est donc plus adapté aux acteurs actuels. 

Soumis à la pression de plus en plus de médias et supporters mécontents des résultats et de la mauvaise qualité du jeu de l’EdF, Didier Deschamps essaie à présent de renouveler les effectifs. D’autant que  les jeunes de talent ne manquent pas dans le football français. 

Le sélectionneur essaie de faire évoluer le jeu des Bleus vers un schéma plus offensif mais dans un esprit fondamentalement défensif. L’équation est sans solution. Trop frileux, « La Dèche » opère par petites touches quand seule une révolution permettrait de constituer une équipe tournée vers l’attaque réclamée par le football spectacle hyper médiatisé. 

Diriger une formation (un peu) plus orientée vers l’offensive en alignant dans l’entrejeu des récupérateurs sans créateur n’est pas cohérent. Le tout avec un capitaine à contre-emploi.  

Attention, les amis: après douze années à la tête de la sélection nationale et de belles conquêtes, le pragmatique Dédé devient irréaliste. On en vient même à se demander s’il a encore la main sur l’équipe. 

Qui redonnera son éclat au maillot bleu France?