Eusébio, la panthère noire du Portugal

Eusébio, la panthère noire du Portugal

Avant l'affirmation de Cristiano Ronaldo, le plus grand footballeur portugais était Eusébio : supérieur au ballon d'Or Luís Figo, qui dans sa trente-septième année a mis au clou ses crampons à l'Inter de Milan, après avoir fait les beaux jours des galactiques du Real Madrid, des culé du Barça, des lions du Sporting de Lisbonne. Plus effectif que le fin technicien Rui Costa, meneur de jeu de Benfica, puis de la Fiorentina, du Milan AC. Et plus complet que Pauleta.

Serial Killer

Eusébio est un des buteurs les plus prolifiques de l'histoire de la planète foot, avec 733 réalisations en 745 matchs. Terreur des défenseurs européens, sa grande endurance lui permettait de multiplier les accélérations tout en restant lucide, précis et réaliste jusqu'au coup de sifflet final des rencontres. « O pantera negra » devait son surnom à ses mouvements serpentins et puissants ; à son art félin de l'approche du but de manières variées, pour s'imposer sur l'adversaire. Une panthère noire meilleur buteur de la World Cup 66 ; Soulier d'Or 67/68 et 72/73 ; et buteur n° 1 du championnat portugais à 12 reprises.

Palmarès impressionnant

Parmi les multiples succès et récompenses qui ont émaillé sa longue carrière, se détache le prestigieux Ballon d'Or : le premier décerné à un joueur issu du football africain, le premier à un footballeur de couleur. Eusébio a été couronné en 65 ; second en 62 derrière le Tchèque Masopust, finaliste du mondial du Chili, que malheureusement l'attaquant portugais n'avait pu disputer ; 4ème en 64. De la fin des années 50 à la clôture des années 60, sous la conduite de sa perle noire, le Benfica de Lisbonne a remporté 11 titres de champion et 5 coupes du Portugal. Pendant près d'une décennie, Eusébio a brillé sur la compétition-reine des clubs. Qui en 62 a vu le félin se faire les griffes et être à l'origine du second sacre continental de Benfica. Lors de la finale, le grand Real Madrid des Di Stefano et autres Puskas menait 3 à 2 à la mi-temps. Et Benfica a triomphé 5 à 3 grâce à deux buts en trois minutes de sa nouvelle star. À 21 ans, le but de la perle noire du Benfica n'aura pas suffi pour empêcher le Milan AC de Rivera et Altafini de s'emparer de la Coupe aux grandes oreilles. Eusébio perdra une autre finale contre l'Inter de Milan. Et il a porté son pays sur la troisième marche du podium de la Coupe du Monde 66 dont il a été le meilleur buteur avec 9 réalisations. Contre la Corée du Nord, grande révélation du tournoi, qui à la surprise générale menait 3 à 0 devant le Portugal (devenu pour beaucoup le favori de la World Cup après l'élimination du Brésil), Eusébio avait sifflé la fin de la récréation grâce à un quadruplé et les Portugais avaient triomphé 5 buts à 3. En quittant le terrain, submergé par l'émotion, la panthère pleurait. Il versa des larmes plus amères quand l'Angleterre barra la route de la finale à son Portugal. Eusébio s'est offert une préretraite dorée sur le continent américain, qui lui a valu des titres de champion des États-Unis avec Toronto et du Mexique avec Monterrey, s'ajoutant à celui du Mozambique avec Lourenço Marquez.

Gentleman du football

L'immense joueur était aussi un homme humble et respecté, dont l'héritage reste gravé dans l'histoire du football. Face à la détresse des Brésiliens éliminés de la World Cup 66, Eusébio qui à lui seul avait terrassé les vainqueurs des deux éditions précédentes, était allé consoler le Roi Pelé (qui l'a toujours tenu pour un des plus grands joueurs de l'histoire), à ces mots : « le football a besoin de toi ». Comment oublier la détresse d'Eusébio privé de finale par l'Angleterre suite au « joga de las lagrimas » ? La panthère avait forcé le respect des sportinguistas qui gardent en mémoire ce derby eterno face au rival du Benfica, où l'arbitre ayant sifflé un pénalty qu'Eusébio estimait injustifié, Eusébio l'avait volontairement tiré à côté… Ce n'est pas par hasard que le champion comme la personne ont été honorés du prix BBC attribué au sportif de l'année en 66 ; du prix du mérite anglais en 93 ; des prix FIFA en 94, UEFA en 2008…

Une légende

Les supporters du Benfica vouent un culte à leur panthère noire venue du Mozambique. Ce fils d'un Angolais blanc et d'une Angolaise de couleur noire, lancé au sortir de l'adolescence par son mentor Béla Guttmann, ancien footballeur hongrois naturalisé autrichien, globe-trotter original et dénicheur de talents. Dès son premier match, Eusébio s'était imposé grâce à un retentissant hat trick. Sa statue en bronze au stade de la Luz témoigne de la reconnaissance des Lisboètes envers leur idole. À sa mort, malgré la pluie, en hommage à leur légende les gens ont quitté bureaux et cafés pour saluer son corbillard qui a stoppé la circulation dans la capitale lusitanienne où plusieurs milliers de gens ont suivi son cortège. 10 000 personnes ont acclamé son cercueil placé au centre de la pelouse du stade de la Luz. Sa dépouille a été transférée au Panthéon. Et ont été décrétés trois jours de deuil national. Car plus que le foot portugais, c'est le Portugal qui a pleuré son icône à la renommée mondiale. Cette panthère qui avait redonné la joie de vivre au peuple lusitanien longtemps sous l'emprise du régime autoritaire de Salazar. Et le pays tout entier s'était mobilisé avec le gouvernement pour éviter l'exil de leur joyau, cette perle noire courtisée par les plus grands clubs européens. Afin de freiner leurs ardeurs, Eusébio avait même été envoyé au service militaire !

Subscribe to Tiro Libre

Don’t miss out on the latest issues. Sign up now to get access to the library of members-only issues.
jamie@example.com
Subscribe