Le lion de Lisbonne

Le lion de Lisbonne

Amis lecteurs de Tiro Libre, vous n'ignorez pas que l'Angleterre est la mère du football. Mais savez-vous que le premier club britannique et le premier d'Europe du Nord qui a remporté la Coupe d'Europe des clubs Champions, en 1967, est le Celtic de Glasgow ? Et que son entraîneur, Jock Stein, est tenu par nombre de personnalités de la planète foot, dont Sir Alex Ferguson himself, pour le plus grand manager écossais de l'histoire ?

Jock le winner

Faut dire que l'exploit réalisé dans l'antre du Sporting de Lisbonne, l'Estadio Nacional, était de taille, face à l'impressionnante Inter de Milan d'Helenio Herrera, HH, « el mago », vainqueur des deux éditions précédentes, avec ses joueurs prestigieux : Sandro Mazzola (fils de Valentino, joueur phare du grand Torino, mort en 49 dans la catastrophe aérienne de Superga) ; l'athlétique Facchetti, grand arrière gauche par la taille et le talent offensif ; l'impitoyable stopper Burgnich ; le pur gaucher et faux désinvolte Mario Corso ; le véloce Brésilien Jaïr ; le gardien Sarti... Des Bleus et Noirs au jeu défensif minimaliste, dont le réalisme cynique s'était avéré impuissant devant l'enthousiasme et le rythme imposé par la généreuse bande à Mac Neil où brillaient Gemmell et Jimmy Johnstone, le petit ailier droit rouquin virevoltant. Mazzola ayant ouvert le score sur pénalty dès le début du match, les Interistes avaient appliqué sans état d'âme leur triste catenaccio, n'obtenant qu'un unique corner et contraignant le gardien Simpson à seulement deux arrêts ; contre 41 tirs au but du Celtic, dont 2 barres transversales, 13 arrêts de Sarti, et 7 tentatives bloquées ou déviées ! En fin de rencontre, Jock Stein avait résumé : « Nous l'avons fait en jouant au football. Un football pur, magnifique, inventif ». Héros de cette finale victorieuse, les « Bhoys » (en langue gaélique), tous originaires de Glasgow dans un rayon d'une cinquantaine de kilomètres (!), sont devenus « les lions de Lisbonne ». Une tribune du Celtic Park porte toujours leur nom. Et le maillot vert et blanc du Celtic rappelle celui du Sporting de Lisbonne, hôte de la mémorable finale. Ces joueurs ont été les premiers vainqueurs du triplé européen et les seuls du légendaire quadruplé ; le Celtic restant l'un des trois clubs européens à avoir remporté 5 trophées en une saison. Jock Stein a ainsi permis au Celtic d'être reconnu dans le monde du ballon rond comme un grand club international. Sur le parvis du Celtic Park, la statue en bronze de Jock portant la fameuse Coupe rend hommage à ce coach qui entre 65 et 78 a été à l'origine des triomphes ininterrompus de son équipe : vice-championne d'Europe en 70, battue au San Siro 2 à 1 après prolongation par le Feyenoord de Rotterdam de l'entraîneur Happel, du buteur suédois Kindvall, du gaucher soyeux au dos voûté Van Hanegem, de Moulijn... Un Celtic qui aura accumulé en Ecosse 10 titres de champion dont 9 consécutifs, 7 coupes nationales, 6 coupes de la Ligue.

Au bout du rêve

Jock Stein a également signé d'autres succès à la tête de la sélection écossaise, notamment lors du mondial d'Espagne en 82 où les Bhoys ont été éliminés par la meilleure équipe de l'époque, le Brésil de gala des Zico, le « Pelé blanc » qui savait tout faire et des deux pieds, l'un des plus grands footballeurs de l'histoire à ne jamais avoir gagné la coupe du monde ; le magnifique Falcao, « dernier empereur de Rome » ; Socrates « le Talon de Dieu » ; le milieu défensif Cerezo ; Junior cet arrière gauche dans la grande tradition des latéraux offensifs brésiliens attirés par la création mais peu motivés par les tâches défensives, parfois milieu des auriverde... et numéro 10 (!) du Torino ; l'inoxydable Cafu, joueur le plus capé de la seleccao et le seul ayant participé à 3 finales de coupes du monde successives ... Malheureusement, l'entraîneur mythique n'aura pu accompagner ses Bhoys au mondial du Mexique : Jock est mort sur scène, terrassé par un infarctus myocardique à 62 ans, dans les derniers instants d'un match contre le pays de Galles.

L'exemple

Stein a mis à l'honneur le football au cœur d'un sport écossais qui, à l'exception du Mancunien Denis Law, Ballon d'Or en 64, avait jusqu'alors célébré surtout ses rugbymen, pilotes automobiles, hockeyeurs, golfeurs ; et ses greens, dont St Andrews, Mecque du golf international. Quel exemple nous laisse ce gamin qui, à l'aube de la deuxième guerre mondiale, avait dû quitter l'école dès 15 ans afin de devenir mineur ! Ce joueur au modeste talent qui débuta sur les pelouses du dimanche comme semi-professionnel, après sa semaine de labeur à la mine ; qui passa pro au pays de Galles à 28 ans, puis remplaçant au Celtic de Glasgow ; et devint titulaire à la faveur de blessures de coéquipiers. Ce meneur d'hommes promu capitaine et en fin de carrière, tout naturellement, entraîneur. Un protestant ayant forcé le respect et l'estime de tous dans un club regroupant les catholiques de Glasgow. Et qui, une fois à la tête de la sélection nationale, est parvenu à mettre d'accord protestants des Rangers et catholiques du Celtic. Un bel exemple de tolérance et de concorde. Décidément, « il n'est de sagesse que dans l'aventure »...

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