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Didier Deschamps: stop ou encore?

Didier Deschamps: stop ou encore?
Photo by Charles Etoroma / Unsplash

Les tristes prestations de l’équipe de France à l’Euro 2024 remettent sur le tapis l’éternelle querelle de la légitimité du sélectionneur national: Didier Deschamps doit-il être maintenu à la tête des Bleus?

Un leader

Gagneur pragmatique, DD était un demi défensif, un récupérateur dont le jeu était basé sur le placement et l’anticipation. Et un leader qui a laissé le souvenir d’un grand capitaine ayant conduit ses partenaires au succès à l’OM, à la Juve, en EdF.

Appelé au chevet d’une équipe encore convalescente de la déflagration du Mondial d’Afrique du Sud, s’il est toujours à la tête de la sélection nationale après 12 années, c’est parce qu’ultérieurement à sa réussite comme entraîneur de Monaco, de la Juve et de Marseille, il a porté l’EdF sur le toit du monde en 2018, en appliquant la méthode d’Aimé Jacquet: bâtir une équipe de jeunes joueurs autour de Pogba et Griezmann en privilégiant un collectif uni et solidaire. Et à l’instar de Jacquet qui eut le courage d’éliminer Cantona et Ginola, brillantes individualités difficiles à canaliser, DD a su renoncer à Benzema, Nasri, Ben Arfa.

Sous sa direction, l’EdF a progressé régulièrement: 1/4 de finaliste de la Coupe du Monde 2014, finaliste de l’Euro 2016, championne du monde en 2018, vainqueur de la Ligue des nations de l’UEFA en 202O, vice-championne du monde en 2022…

The untouchables

Une élimination en demi-finales du récent championnat d’Europe, pour lesquelles l’Allemagne et l’Italie n’étaient pas qualifiées, n’est pas en soi un résultat catastrophique.

Mais ce revers d’un groupe de joueurs faisant les beaux jours des plus grands clubs d’Europe ne dispense pas d’un procès de la pauvreté du jeu produit par des Bleus trop prudents. Un jeu ultra-conservateur, ennuyeux. Et défensif comme toutes les formations que DD a entraînées.

Regrettons qu’aujourd’hui, la majorité des équipes de foot optent pour une stratégie de contre-attaque mettant en exergue les qualités physiques aux dépends de la maîtrise technique individuelle et collective. Et que dans tous les « sports co», le succès des meilleures formations repose sur la fiabilité d’une base arrière solide et la capacité à déclencher de rapides contres meurtriers.

Les défenseurs bleus, qui ont ont eu le mérite de sauver du naufrage la barque prenant la marée, restent positionnés trop bas. Quand l’EdF attaque, ils se projettent vers l’avant beaucoup trop rarement et de manière isolée, renonçant à favoriser l’offensive en créant le surnombre.

Nos milieux de terrain se sont avérés incapables de tenir le ballon, de trouver des espaces, d’organiser des actions collectives pour procurer des occasions de but aux attaquants. L’indisponibilité de Pogba et la baisse de rendement de Griezmann ayant privé l’EdF de ses deux play makers, DD a surpris tout son monde en confiant au valeureux Kanté, à contre-emploi, la construction et l’animation du jeu. On est en droit de reprocher au sélectionneur national de ne pas avoir donné les clefs du camion à Camavinga, assisté au poste de récupérateur par Kanté et Tchouaméni, en alternance.

L’attaque française a marqué un seul but sur action. Elle a été impuissante dans ses tentatives d’élaboration d’actions construites et rendue muette par le double ratage d’un Griezmann loin de ses standards à l’Atletico de Madrid comme en EdF et d’un MBP méconnaissable.

On peut déplorer que DD ait trop vite condamné au chômage Giroud, le buteur recordman historique des Bleus.

Quant au déroutant Dembélé, décidément fâché avec le but, de centres imprécis en tirs non cadrés, il ne parvient toujours pas à terminer les actions qu’il entreprend souvent bien. Pourquoi l’avoir systématiquement reconduit en ignorant l’apport possible de Coman?

On comprend mal l’utilisation parcimonieuse du véloce Bradley Barcola, en jambes et bien inspiré lors de ses entrées en jeu. Il aurait pu remplacer avantageusement la caricature allemande de Kylian; lequel aurait pu jouer à droite ou au centre.

Le cas Mbappé

Plus grave que les faillites individuelles de ses cadres majeurs, auxquelles DD n’a pas trouvé de solutions, la faillite des Bleus a été collective. Une équipe sans âme, sans leader, avec un capitaine désabusé, voire absent, parfois spectateur des efforts de ses partenaires. Un comportement et une attitude inadmissibles de la part d’un capitaine et qui n’aura pas encouragé ses coéquipiers à lutter. Un exemple que DD n’aurait pas dû accepter.

A l’évidence, pour l’ex capitaine la victoire, le profil d’un soliste plus enclin à ses fulgurances qu’au soutien et à l’animation de ses coéquipiers, n’est pas adapté aux vertus attendues d’un bon capitaine, sur le terrain comme en dehors. Il est regrettable qu’au départ d’Hugo Lloris, DD n’ait pas eu le courage de refuser à Kylian le brassard dévolu à Griezmann. Mais la fracture nasale de Kylian MBP survenue au cours du tournoi, a offert au sélectionneur, sans trop heurter les susceptibilités, l’opportunité de soulager son attaquant phare de la charge supplémentaire du capitanat qu’il n’était plus en état d’assumer en raison de sa méforme physique et mentale. Ce, afin de se consacrer à son rôle d’attaquant décisif. DD n’a pas osé prendre la décision. Peur d’être perçu comme le coach qui désavoue son attaquant vedette? Dommage.

Fin de cycle

Les champions de 2018 ont fait leur temps. Les vice-champions de 2022 n’ont pas confirmé. Remercions-les tous pour avoir porté haut les couleurs françaises.

L’équipe de 2026 doit se préparer dès à présent. L’heure n’est plus aux questionnements. Mais au choix d’un système de jeu moins ennuyeux, plus orienté vers l’attaque et au renouvellement des cadres. Le principal chantier sera l’affirmation de fins techniciens à la baguette, comme Zidane et Djorkaeff en 98. Une tâche pas si simple dans un football français devenu un vivier de joueurs aux qualités athlétiques plus que techniques. Et pour laquelle DD, avec tout le respect qui lui est dû eu égard à son immense carrière au service de l’EdF, ne semble plus être la meilleure personne. Or, quand on sait qu’en réserve de la République, un certain Zizou…

Le nouveau Président de la FFF aura-t-il le courage décisionnel que requiert la situation de nos Bleus? D’autant que, bravo et merci monsieur Le Graët, le contrat de DD court encore!

A suivre... Dans Tiro Libre?