PSG : Choc tellurique
La planète foot vient d'enregistrer un choc dont l'ampleur va au-delà de la démonstration du Paris Saint-Germain et de l'humiliation subie par l'Inter de Milan, terrassé au cours d'une finale à sens unique. À l'heure où se multiplient les éloges mérités pour un PSG de 24 ans de moyenne d'âge, il convient de mesurer la portée de la leçon de football dispensée par les joueurs de Luis Enrique : plus qu'un match triomphal, les Parisiens nous ont gratifiés de la perspective d'un véritable bouleversement tectonique.
Finalement !
Voilà le richissime PSG enfin couronné roi d'Europe. Et de quelle manière ! Après une quinzaine d'années de gestion sportive désastreuse. Au sein d'un club qui a souvent marché sur la tête. Où au rythme d'une valse à contretemps se sont succédé d'excellents entraîneurs, qui n'ont pu convaincre des propriétaires voués au culte de vedettes internationales recrutées pour leur glamour, indépendamment des complémentarités nécessaires à l'équilibre de toute équipe ; des stars parfois plus attachées à la satisfaction de leurs finances et de leurs égos respectifs qu'à mettre leur talent au service de l'équipe.
Hommage
Le team Paris Saint-Germain est devenu une réalité ; qui maîtrise son jeu et l'impose à ses rivaux. Son sacre est celui de la jeunesse et du jeu d'équipe. Luis Enrique a donné une âme à une formation jusqu'alors étrangère à la magie du football collectif. Maîtrise technique, intelligence tactique, justesse, combativité, intensité, mouvement sans ballon, vitesse sont autant de qualités de la formation francilienne. Ses jeunes joueurs talentueux sont motivés et solidaires. Ils nous offrent un beau football moderne. Le positionnement haut de leurs défenseurs raccourcit les distances entre les lignes : le PSG défend en bloc en avançant, avec ses attaquants en première lame d'un rapide pressing collectif qui agresse l'adversaire. Et les Parisiens attaquent avec l'appui de leurs arrières, en particulier Hakimi et Mendes, deux pistons entreprenants. Dans l'entrejeu, des lutins infatigables et adroits exercent sans relâche un pressing et un contre-pressing efficaces. Ils sont assistés par Hakimi et Mendes ; et par un Dembélé faux avant-centre, disponible à ses coéquipiers dans l'espace et prêt à régaler ses attaquants de caviars, en particulier dans le dos des défenseurs adverses. On ne reconnaît plus le Dembélé qui vendangeait des deux pieds les occasions de but qu'il savait se procurer. Chez les Parisiens, le cuir est l'objet d'un soin particulier : précises et tendues, les passes sont adressées avec une application facilitée par le soutien systématique d'au moins deux coéquipiers au porteur de balle ; qui peut transmettre le ballon dans de bonnes conditions, favorisant la possession comme la récupération du ballon perdu. Donnarumma traverse un moment de réussite exceptionnel. La créativité de Doué et la vélocité de Barcola sont souvent irrésistibles. Quant à Kvara, il impressionne par la conviction qu'il met dans chacune de ses actions, par son extraordinaire couverture de balle, sa rapidité, sa frappe et une générosité dans l'effort défensif exemplaire.
Le bouleversement
Le Dynamo Kiev du scientifique Lobanovski avait perfectionné le « foot total » de l'Ajax d'Amsterdam de Rinus Michels. L'animation du Milan AC de Sacchi reposait sur une défense en ligne haute, généralisant l'utilisation de l'arme du hors-jeu. Le Barça de Cruyff puis de Guardiola institutionnalisèrent le tiki-taka.
Le PSG de Luis Enrique nous propose aujourd'hui une version séduisante du jeu moderne : plus rapide, plus maîtrisée, faisant du tiki-taka un moyen d'approche par la possession ; et non pas une fin comme trop souvent à Barcelone et à Manchester City ; où les joueurs, par moments, semblent limités à une occupation stérile du camp adverse, sans véritables prises d'initiatives. Le PSG profite des récupérations de balle générées par son regroupement défensif et son pressing agressif pour déclencher des contre-attaques redoutables par leur vitesse, en verticalisant le jeu dans les espaces. Par la qualité du jeu et les valeurs qu'il transmet, les footballeurs du PSG apportent une bouffée d'air frais au monde du ballon rond. De quoi inciter les autres équipes à les imiter : de l'audace ! Désormais dépassé, le football de papa des Ancelotti, Deschamps, et autres Inzaghi devrait être bientôt enterré. Certes, beaucoup d'équipes continueront à pratiquer un jeu traditionnel, étriqué car craintif. Mais on peut espérer que bientôt, les grandes écuries opteront pour un foot ambitieux et spectaculaire, à l'image de celui prôné par Luis Enrique : un bouleversement salutaire, qui requiert des coachs compétents et opiniâtres... et des présidents suffisamment éclairés pour laisser les techniciens travailler.
Après-Deschamps et après-Ancelotti
Il faut souhaiter que les vertus étalées par ce nouveau PSG plein d'allant sonnent le glas du foot de papa. On peut penser que Xabi Alonso aura à cœur de permettre au Real de tirer un trait sur le jeu actuel frileux des Merengue, indigne de la tradition de la Maison Blanche.
On doit se demander si Zinédine Zidane, probable successeur de Didier Deschamps à la tête de l'Équipe de France, marqué par la tradition du système de jeu de la Juve et ancien assistant d'Ancelotti, saura évoluer pour s'adapter au bouleversement tactique souhaitable. La question doit être posée. Car la France est riche d'un réservoir de talents. Encore faut-il que nos joueurs soient mis dans les conditions de pouvoir les exprimer. Le triomphe de l'équipe du Paris Saint-Germain invite d'autres formations à adopter le schéma tactique de Luis Enrique. Un bouleversement qui renforcera la pratique d'un football offensif et le spectacle que Tiro Libre appelle de ses vœux.