Nach München (III)

Nach München (III)
Photo by Luca / Unsplash

Tandis que la fièvre monte à Milan et à Paris, réjouissons-nous d'avoir assisté à des demi-finales de Champions League de haute tenue.

Leçons d'humilité

Ces 4 matchs ont confirmé les enseignements tirés des 1/4 de finales. Et surtout, ils nous rappellent que dans le football moderne, le triomphe se mérite, au prix d'un engagement véritable de tous les acteurs du spectacle ; que la victoire sourit volontiers aux équipes dont les joueurs sont les premiers sur le ballon et gagnent les duels ; qui pratiquent un pressing collectif hardi ; sont en permanence en mouvement pour faciliter le soutien du porteur de balle par plusieurs partenaires et la prise d'espaces propices au développement d'un jeu fluide. Cette concentration des joueurs à proximité du ballon à la base notamment du jeu court à la rémoise d'Albert Batteux, du 4-2-4 à la défense offensive de l'Anderlecht de Sinibaldi, haute et alignée, du jeu à la nantaise d'Arribas et Suaudeau... Autant de conditions réunies quand l'effort est partagé entre chacun des joueurs d'une formation où la solidarité n'est pas un vain mot et suppose un vestiaire soudé. L'exemple des clubs demi-finalistes invite les footballeurs à l'audace : les premiers défenseurs y sont les attaquants. En phase offensive, les arrières renforcent et diversifient l'action des avants. Les milieux de terrain favorisent les récupérations de balle en harcelant leurs adversaires ; et forts de leur maîtrise technique, ces demis sont les garants de la possession du cuir et d'une attention particulière dans sa transmission, propre à la prise d'initiatives dangereuses pour l'équipe adverse. Les demi-finales nous disent avant tout que le foot business doit demeurer un sport collectif où il faut mouiller le maillot ; où les qualités athlétiques, techniques, l'intelligence du jeu et la créativité des joueurs doivent être au service de l'équipe. Toutes choses (suite à des années de gestion sportive qatarie aussi pathétique que dispendieuse) enfin comprises, semble-t-il, par le nouveau PSG ; mais qui persistent au sein de la Maison Blanche, traces résiduelles de la galacticomanie du Président Florentino Pérez. Voilà condamné le management paternaliste de Carlo Ancelotti, devenu inadapté à un vestiaire où certaines stars ne sont pas décidées à retrousser les manches. Dans une compétition qui exige des prétendants au sacre continental de savoir aussi enfiler le bleu de chauffe lorsqu'ils revêtent le maillot blanc honoré par les Di Stéfano, Puskas, Kopa, Ronaldo Nazário, Figo, Zidane, Ronaldo et autres Benzema... Ou la tenue bleu-blanc-rouge-blanc-bleu des Raí, Susic, Weah, Ronaldinho... La recette du triomphe pourrait être : du panache... Et beaucoup, beaucoup de courage ! l'humilité est de mise.

Vents du Sud

L'opposition de styles entre le FC Barcelone et l'Inter de Milan, chefs de file respectifs du tiki-taka et du catenaccio, promettait une éliminatoire intéressante. Les amateurs n'ont pas été déçus : l'intensité, la qualité et la dramaturgie ont été au rendez-vous d'une double confrontation dantesque commencée par le spectaculaire 3-3 du match aller. Deux rencontres disputées, haletantes, marquées par un chassé-croisé d'attaques de belle facture et sans retenue, qui nous ont gratifié de pas moins de 13 buts superbes, de renversements de situation et d'émotions à répétition dignes de la demi-finale d'anthologie Italie-Allemagne du Mondial 70 au Mexique. Il a fallu recourir à des prolongations irrespirables pour connaître le vainqueur de cet affrontement passionnant ; où les mérites doivent être partagés entre les protagonistes de cette double éliminatoire à rebondissements.

Transcendé par l'insolente facilité de Lamine Yamal, la régie impeccable de Pedri et l'effectivité d'un Raphinha volontaire, le Barça nous a charmé de son jeu séduisant qui prône la construction plutôt que la destruction. Sans toutefois faire oublier les largesses de sa défense haute (trop) risquée. Les Catalans ont dominé outrageusement les Lombards en monopolisant le ballon. Mais le pragmatisme des Italiens a décidé leur victoire, à l'image de leur élimination du valeureux Bayern au tour précédent ; sous la conduite du dynamique piston Dumfries, passeur et buteur émérite ; de Marcus Thuram énorme d'abnégation et de réalisme, précieux point d'appui des offensives rares mais percutantes des nerazzuri. Son pressing généreux a compensé la condition physique limitée de son grand leader Lautaro Martínez de retour à la compétition ; un Thuram inventeur inattendu d'une superbe Madjer. Beau à voir, le football des Catalans a ainsi été mis en échec par le pragmatisme d'une implacable Inter à la combattivité et l'esprit de sacrifice sans faille. La décision a été forcée par un Sommer en état de grâce, ultime rempart d'une forteresse lombarde qui semblait imprenable... avant de subir les assauts de l'enchanteur Lamine Yamal, assisté d'un Pedri maître de la régie d'un collectif bien huilé façon école culé. Comme prévu, le tiki-taka a assuré aux Catalans la possession du ballon et une insolente domination. Les amateurs du néo réalisme italien auront apprécié le dénouement de cette demi-finale latine. Sans comprendre le coup de sifflet de l'arbitre à la fin du premier temps de prolongation, à l'instant où Bardella se présentait seul devant le gardien culé pour sentencier l'éliminatoire. Les nostalgiques de la toile tissée par les esthètes blaugrana peuvent nourrir des regrets : même à défaut d'être à 100%, un Lewandowski en pointe de l'attaque bien plus tôt sur la pelouse aurait pu concrétiser les occasions générées par la dernière génération de diplômés de l'académie de La Masia...

La récente confrontation à un Real Madrid sans âme, dépourvu de jeu collectif, remettant son sort entre les pieds de sénateurs statiques et rétifs à l'effort, avait permis à l'Arsenal de faire illusion ; en éliminant des Merengue qui cette année ne comptent plus leurs défaites, à la faveur de deux coups francs (« tiros libres » !) fantastiques d'un Rice, le premier étonné de se découvrir de tels talents en balistique. Forts de leur allant et d'un fond de jeu intéressant, les Gunners restent une bonne formation, non une grande équipe. À l'exception de Saka, pas au mieux de sa forme à présent et d'Ødegaard, Arsenal ne dispose pas de joueurs de top classe internationale dans chacune de ses lignes, comme City et Liverpool. Les équipes latines résistent bien à la marée montante financière imposée par oligarques, fonds d'investissement, autocraties moyen-orientales ; et sur laquelle surfent les riches formations anglaises : parmi les 3 clubs latins du dernier quart, 2 se disputeront la Coupe aux grandes oreilles, qui une fois de plus récompensera une formation méditerranéenne ; les autres compétitions continentales moins prestigieuses sont domaine réservé de l'opulente Premier League.

Lamine d'or

La prestation stratosphérique de Lamine Yamal n'aura pas suffi. Le garçon de 17 ans est époustouflant. Il a éclaboussé Montjuïc et Meazza de sa classe, de sa maîtrise, sa surprenante maturité ; et son enthousiasme contagieux. Si la saison 2024-2025 s'arrêtait aujourd'hui, le Ballon d'Or tendrait les bras à l'admirable adolescent au casque... d'or. Son dauphin pourrait être son compère Pedri, remis de ses blessures et qui, s'il surmonte sa fragilité, sera LE meneur de jeu des prochaines années. Mais d'autres échéances importantes persistent au menu de la saison marathon en cours ; autant d'opportunités d'être encore émerveillés par ces deux golden boys : tant mieux !

Fautes professionnelles

Sans minimiser la double performance XXL du nouveau bimbo de oro, il convient toutefois de s'interroger sur la faible défense qui lui a été opposée à Montjuïc : inexplicablement, Di Marco, terzino baigné à la culture de l'implacable catenaccio, attendait l'ennemi public numéro 1 de la planète foot à distance de 2 à 3 mètres, lui concédant le temps de contrôler le ballon : trop tard ! La prise de balle du prodige déclenchait aussitôt un contrôle orienté décisif ; et le cuir déjà collé à son pied gauche s'avérait insaisissable. Inconscience ? Pusillanimité ? Chercher l'erreur. Une défense sur l'homme aussi naïve a encouragé le crack à multiplier les initiatives. Di Marco a accusé les coups. Puis il a sombré. Gagnée par le doute, la meilleure défense de la compétition devenue renonciatrice, est bientôt apparue comme paralysée par l'hypnotiseur espagnol. Au point de voir fondre son capital de deux buts en six minutes ! Comment Inzaghi, entraîneur d'expérience formé à l'école italienne si rigoureuse, où le marquage à la culotte est de règle, a-t-il pu tolérer ce laxisme face à un tel joueur ? Il s'agit d'une faute professionnelle. Et chez nos cousins transalpins, une faute grave. Qui rappelle le marquage désastreux sur corner des Brésiliens de Zagalo en 1/2 finale du mondial 98, qui avait poussé Aimé Jacquet à insister auprès des bleus pour mettre à profit cette lacune en finale. Helenio Herrera, « el mago » franco-argentin de la grande Inter de Milan, dit « HH » (« Habla, Habla », surnom en référence à son art de motiver ses troupes par son pouvoir de conviction et ses mots célèbres) n'aurait pas permis pareil manquement à la discipline défensive. Dès la première récidive, il aurait indiqué à Di Marco le chemin des vestiaires. Inzaghi et Di Marco auraient dû méditer l'un des slogans préférés de ce maître de la communication, affichés dans les vestiaires et le casier de certains joueurs : « attaque la balle ! ». À San Siro, meno male, Di Marco a retrouvé tout son mordant et la défense intégriste avec lui. Bien que toujours dangereux par ses fulgurances, Lamine n'a plus terrorisé les Milanais comme au match aller ; et avec un Sommer d'une autre planète, l'Inter s'est finalement qualifiée pour la majeure fête annuelle des clubs.

Ne passons pas sous silence l'autre grave faute professionnelle, commise par Vitinha ; coupable d'un pénalty tiré en marchant et totalement raté, qui aurait dû sceller le sort de l'éliminatoire. Il est certes excusable de manquer un pénalty. Mais pas en raison de la mollesse excessive du tir, dans un moment aussi capital. Vrai, l'aisance technique et le panache de Vitinha le conduisent parfois à jouer avec le feu quand, dans un PSG acculé devant son but, il tente certains amortis et dribbles. En finale, halte à la désinvolture !

Sur la bonne voie

En constatant l'esprit d'équipe et la combattivité injectés aux jeunes joueurs du Paris Saint-Germain par un Luis Enrique fidèle à ses certitudes et confiant dans la continuité du bon comportement de ses élèves, on est tentés de s'écrier : « le PSG nouveau est arrivé ! » Mais l'histoire récente nous enseigne la sagesse... À l'Emirates en particulier, par leur vitesse, les milieux de terrain parisiens dynamiques et appliqués ont longtemps éclipsé leurs homologues londoniens (peut-être un peu présomptueux pour venir à bout de l'enthousiasme d'une formation débarrassée de ses mégastars blasées). À l'instar de Sommer, Donnarumma aura été décisif dans la qualification du Paris Saint-Germain face à Arsenal, comme précédemment à Liverpool et Aston Villa. Au long de cette Coupe d'Europe des Clubs Champions, le portier italien nous rejoue sa version de l'Europeo d'Angleterre : celle d'un phénomène sur sa ligne, géant à l'envergure d'albatros et aux réflexes hors normes. Si le Napolitain ajoute la constance à ses éclatantes performances actuelles, en gommant ses errements dans le jeu au pied et les sorties aériennes, il pourrait, pourquoi pas, évoquer l'incomparable légende Lev Yachine. C'est tout le mal que l'on souhaite à un PSG sur la bonne voie à l'instar de son fantasque goal keeper de 28 ans, un bon âge pour endosser la maturité qui fait les grands gardiens. La qualité des finales des grandes compétitions est rarement au niveau des attentes. Qu'importe ! Quel que soit le Champion d'Europe 2025, ce sera une belle équipe. Souhaitons que l'accumulation des compétitions ultérieures, avec la fatigue et les blessures qu'elles engendreront, ne ternisse la beauté et l'équité des futurs spectacles.

Now or never

Tiro Libre ne s'est pas privé de critiquer le PSG et Luis Enrique. C'est avec joie que désormais notre blog s'incline devant la cohérence de la direction sportive du club et la ténacité de son coach. Pour les Parisiens, la finalissima se présente comme l'opportunité idéale afin d'accéder au trône de l'Europe du football. La combattivité, la vitesse, le travail collectif des jeunes joueurs franciliens, spécialement bondissants et appliqués en milieu de terrain, justifient tous les espoirs. Au terme d'une saison chargée, les expérimentés Milanais, doubles finalistes en 3 ans, pourraient accuser le poids des ans. Le nouveau leadership de l'ambidextre funambule Dembélé, associé aux fulgurances de l'acharné Kvaratskhelia et au culot de l'imprévisible Doué devraient venir à bout de la discipline et de l'organisation défensive des vaillants Lombards. À condition, pour la défense du Paris Saint-Germain qui n'est pas une assurance tous risques, de compenser son déficit en taille dans le jeu aérien, en particulier sur les coups de pied arrêtés. Gianluigi Donnarumma devra être l'indiscutable patron de sa surface de réparation ; où les grands gabarits noirs et bleus voudront se projeter dans les airs, hors de portée des lutins de l'entrejeu francilien. Mi racomando, Gigio. Dans cette attractive finale entre deux équipes de styles si différents, c'est l'année ou jamais pour les champions de France. « Allez Paris ! » « Forza Inter ! » Et que le meilleur gagne !

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