La Wunderteam
La Wunderteam autrichienne du début des années 30 demeure une des plus belles équipes de l'histoire du football. Invincible, cette formation enchaîna 14 victoires consécutives entre avril 1931 et octobre 1932. Une série interrompue par une défaite 4 à 3 devant l'Angleterre à Stamford Bridge qui, paradoxalement, fit entrer la sélection autrichienne dans la légende ! Grâce à une deuxième mi-temps d'un jeu si brillant que le public londonien réserva aux joueurs autrichiens un tonnerre d'applaudissements. La presse britannique s'empressa alors de parler du « match du siècle », puisqu'il venait d'opposer la sélection de la nation mère du football à la Wunderteam ; cette « équipe des merveilles » qui, entre 1931 et 1934, perdit seulement 3 matchs sur les 31 disputés, en marquant la bagatelle de 101 buts !
« Vaincre ou mourir »...
Grande favorite de la Coupe du Monde 1934, la Wunderteam fut pourtant éliminée en demi-finale par l'Italie chère à Mussolini, qui bénéficia d'un arbitrage d'une complaisance scandaleuse, à l'image de tout le tournoi organisé sur le sol italien, à la gloire du fascisme triomphant. Le message du télégramme adressé par le Duce aux joueurs transalpins la veille de « la bataille de Florence » aurait été on ne peut plus clair : « Gagnez ou vous êtes morts » !
Ancêtre du tiki taka
Reprenant les schémas de jeu de ses collègues, le Britannique Chapman et l'Italien Pozzo, le mentor autrichien Meisl avait créé pour son équipe un système de jeu hybride exaltant la technique ; et basé sur la possession, l'interchangeabilité des rôles ; avec le recours aux passes à ras de terre dans un mouvement permanent des joueurs.
« Mozart du foot »
La star de la Wunderteam, Matthias Sindelar, était un footballeur à la technique raffinée et peu porté au combat physique. Meisl mit en place « le tourbillon viennois », un schéma sur mesure pour tirer le meilleur parti de l'extraordinaire talent de Sindelar, qui fut le premier « faux 9 » de l'histoire du football : un avant-centre se déplaçant sur tout le front de l'attaque, qui pouvait ainsi marquer des buts et favoriser les actions de ses coéquipiers. Ne disait-on pas de ce « Mozart du football » qu'il rendait l'équipe autrichienne aussi belle à regarder jouer qu'imprévisible ?
Destins croisés
Le créateur et le meilleur interprète de la Wunderteam n'auront pas survécu à la disparition de leur merveilleuse équipe. Meisl mourut d'une crise cardiaque quelques mois avant l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne nazie. La Wunderteamfut prestement absorbée : la dialectique hitlérienne ignorait la terminologie poutinienne d'« opération spéciale ! ». Le démembrement de la Wunderteam contraignit certains de ses joueurs à endosser le maillot blanc frappé de l'aigle noir de l'envahisseur allemand. Et Sindelar fut l'un des rares footballeurs qui refusèrent leur convocation dans la Deutsche Fußballnationalmannschaft. Il raccrocha ses crampons après l'ultime match de l'Autriche libre. Sindelar mourut à 36 ans, d'un « suicide » qui ressemblait fort à un homicide orchestré par les Nazis.
Pour les amoureux du football, qui conservent précieusement le souvenir de la magnifique Wunderteam, reste la consolation des paroles chères au regretté Antoine Blondin : « Les grandes équipes ne meurent jamais »...