Finales historiques (II): Hollande-URSS 1988
Aux rendez-vous de l'histoire, la finale de l'Euro 88 occupe une place privilégiée. La Hollande y affronte l'URSS au Stade Olympique de Munich, où les Oranges Mécaniques de Rinus Michels et de Johan Cruyff ont dit adieu à leurs rêves d'une Coupe du Monde 74 que l'univers entier du football leur promettait. Toujours à la tête de la sélection batave, Michels tient là l'opportunité de venger l'équipe du pays des tulipes, en prenant sa revanche sur Beckenbauer dans l'antre du kaiser Franz devenu sélectionneur de la Mannschaft. Et puis on vit la dernière finale de l'URSS, nation en cours de dissolution avec la mise en œuvre de la Pérestroïka de Gorbatchev.
L'équipe représentant les Républiques Socialistes ne manque pas de talents : depuis le gardien Dasaiev que beaucoup considèrent comme le numéro 1 mondial à son poste, jusqu'au Ballon d'Or Belanov, en passant par les Zavarov, Kouznetsov, Mikhaïlitchenko, Protazov, Aleinikov... La plupart sont sur le point d'émigrer pour rejoindre les riches clubs d'Europe Occidentale. On ne reverra plus le maillot rouge frappé de son CCCP : c'est la fin d'une époque. À moins que la grande Russie de Poutine ne parvienne à reconstituer son empire...
Choc de philosophies
La finale se présente comme l'affrontement entre les chantres des deux nations laboratoires d'un foot moderne dont s'inspirent les entraîneurs du monde entier. Pour ces deux coachs, l'action collective prime sur la recherche de l'exploit individuel. Michels, père du football total hollandais, préconise un jeu reposant sur l'individualité organisée, avec un changement synchronisé des positions sur le terrain ; l'arrière n'hésitant pas à se muer en ailier de débordement et le stoppeur en attaquant.
L'Ukrainien Valeri Lobanovski est un adepte d'un jeu géométrique poussé à l'extrême : beaucoup plus de sacrifices et de courses, beaucoup moins de dribbles et de gestes de génie ; et davantage de schémas ; avec un rythme élevé, en permanence. Lobanovski base son football sur un pressing exigeant une parfaite condition physique ; et sur les schémas tactiques que ses joueurs doivent réciter de mémoire. Une philosophie aux antipodes du jogo bonito do Brasil !
L'impossible but
Devenu meilleur footballeur de la planète, Marco Van Basten conduit la formation hollandaise. Mais il revient de 6 mois d'arrêt pour blessure. Sera-t-il apte à disputer la grande finale européenne ? Le match prend vite des allures de partie de ping-pong entre deux formations qui alternent les attaques. Jusqu'à l'instant où un centre lui parvient de la gauche. Van Basten attend que le ballon retombe ; et à angle totalement fermé, il reprend de volée, le corps en rotation en direction du but russe. Le cuir lobe Dasaiev : imparable ! « Je me suis senti humilié », avouera le portier russe ; tandis que l'attaquant hollandais précisera : « j'ai tenté le tir, sachant que j'avais peu de chances de marquer. Et quand j'ai vu le ballon entrer dans le but, je n'en croyais pas mes yeux ». Rinus Michels non plus, qui s'était longtemps pris la tête dans ses mains, lui pourtant habitué avec Cruyff aux miracles accomplis sur le rectangle vert.
Un but d'anthologie signé par ce magnifique avant-centre au physique nerveux et puissant, qui aura offert à l'Ajax d'Amsterdam 3 championnats et 3 Coupes de Hollande, avec la Coupe des Coupes. Qui au Milan AC, en compagnie de ses compatriotes Gullit et Rijkaard, aura remporté 4 Scudetti, 2 Coupes des Clubs Champions, 2 Super Coupes européennes, 2 Coupes internationales. Et en sélection hollandaise, 1 Championnat d'Europe. Un riche palmarès, embelli d'un Soulier d'Or et de 3 Ballons d'Or !
Retraite forcée
En 95, à 30 ans seulement, après plusieurs interventions chirurgicales et de fréquentes interruptions de sa carrière, stoppé par des chevilles trop fragiles, le géant batave auteur d'un but impossible signé lors d'une finale restée à l'histoire, est contraint de raccrocher ses crampons. Partout où il est passé, Marco Van Basten laisse d'infinis regrets. Show must go on.