Club World Cup 25 : à qui qu’ça profite ?

Le grand gagnant de la récente Coupe du Monde des Clubs est la FIFA, qui peut contempler l'épaississement de son confortable matelas financier. Et se projeter dans la perspective d'un ultérieur élargissement de la compétition. La FIFA affirme sa rhétorique d'engagement en faveur de ses pays affiliés moins riches, conformément à la mission qu'elle revendique : étendre à l'ensemble de la planète du ballon rond le même droit à un foot pour tous. Cette noblesse de l'idéal et des valeurs mises en avant par les dirigeants de la Fédération Internationale recueille l'assentiment général. Et scelle le pouvoir politique du président de la FIFA, en prévision d'une prochaine réélection, déterminée par le vote de chacun des pays membres de l'Instance. Tout en affichant de touchants concepts éthiques, la FIFA fait bon ménage avec les autocraties, en particulier des richissimes états pétroliers et gaziers du Golfe.
Chelsea a amplement mérité sa victoire finale dans la Club World Cup 25, aux dépens d'un Paris Saint Germain pris à son propre jeu ; impuissant face à l'intensité affichée par des Blues dominant dans les duels comme dans le mouvement. En particulier au pressing, au soutien du porteur du ballon, à la verticalité. À l'image du Real Madrid face aux Parisiens, le PSG a été statique, amorphe et lent. Sa défense a montré ses limites. Son milieu de terrain habituellement conquérant n'a pas existé face à l'agressivité des Blues. Dembélé a été transparent. Seul Doué, sans sa réussite habituelle, a paru capable de perturber l'arrière-garde anglaise.
Le Bayern a confirmé son rang parmi les meilleures formations européennes, faisant jeu égal avec le PSG, mais trahi par son manque de réalisme offensif.
Les principales équipes du tournoi nous ont gratifié d'un rassurant football collectif porté sur l'attaque. Avec de jeunes joueurs pour lesquels l'intensité n'est pas un vain mot. Chacun contribue à l'effort du groupe afin de mener à bien un projet de jeu commun, en renonçant à la recherche systématique de l'exploit individuel. Tandis que Paris Saint Germain se prenait à envisager un règne prolongé sur l'univers du ballon rond, à la faveur de ses impressionnants résultats, son style de jeu attractif et son louable esprit conquérant, se validait la stratégie de sport washing du Qatar : recouvrir d'un voile pudique certains contours sombres de la géopolitique conduite depuis Doha. Avec le rare don d'ubiquité de son magnanime président, l'incontournable Nasser al-Khelaïfi, qui enfin peut se targuer d'une image internationale de winner et d'inspirateur.
Le football mis à mal par l'emprise de l'argent et de la politique sort pourtant grandi de la nouvelle version de la Coupe du Monde des Clubs. Une compétition dénoncée initialement par nombre de professionnels du milieu du football, puis rendue attractive pour les formations sélectionnées, en raison d'un irrésistible booster : une dotation de l'ordre du milliard de dollars. Il y en a eu pour tous les participants ! La carotte aura motivé les meilleures équipes à pratiquer un ambitieux jeu d'attaque. Où l'effort de dominance sur le rectangle vert implique une maîtrise technique qui assure la possession et la construction des actions offensives. Course et jeu sans ballon y sont mis à l'honneur par des blocs compacts et un soutien permanent au porteur de balle. Malheur aux teams qui ne pratiquent pas de pressing, dont la défense n'est pas positionnée haut sur le terrain, qui ne bénéficient pas de l'apport offensif de vaillants pistons compétents ! Leurs chances de réussite deviennent maigres : hors mouvement, point de salut. Voilà qui est réjouissant pour l'intérêt du spectacle attendu du sport le plus populaire au monde.
Cette philosophie du football, illustrée cette saison par le PSG, inspire aussi Chelsea, le Bayern, Man City, Arsenal, Atalanta... Le contre-exemple en est le Real Madrid où Xabi Alonso tente de greffer cette culture à une troupe trop lente, trop statique, trop individuelle et dont les deux attaquants superstars, Mbappé et Vinicius, demeurent rétifs au pressing. Le Real est usé par une saison 2024-2025 à rallonge, de 68 matchs, succédant à plusieurs exercices spécialement éprouvants pour une équipe attendue de pied ferme sur tous les terrains du globe. Ce, malgré une récente gestion à l'économie des prestations des Merengue ; dépassés par un foot moderne dont le crédo, il faut s'en réjouir, pourrait s'énoncer : « rien de tel que courir pour arriver aux points ! ». À l'instar de la Maison Blanche, Manchester City est en pleine reconstruction. Facilitée par un robinet pétrolier grand ouvert.
Avec l'effacement inattendu de Lamine Yamal, la convalescence de Kylian Mbappé, la reprise progressive de Dembélé, la course au Ballon d'Or reste ouverte...
La Coupe du Monde a également mis en lumière des jeunes talents, comme João Pedro, le nouveau pensionnaire brésilien d'un Chelsea rajeuni et toujours aussi pléthorique ; Huijsen, qui à vingt ans s'impose d'emblée comme le leader technique d'une arrière-garde de la Maison Blanche en chantier et de la triomphante Roja ; un certain Gonzalo García, sur lequel le nouveau coach madrilène pourrait compter afin de faire entendre raison à ses deux ex futurs Ballons d'Or.
Luis Enrique, Enzo Maresca et Vincent Kompany qui ont réussi notamment à convaincre tous leurs joueurs de la nécessité d'un mouvement et d'un pressing continus, peuvent être considérés comme les meilleurs entraîneurs du moment. À Tiro Libre, on déplore les gestes déplacés de mauvais perdants qu'ont eu en fin de match Luis Enrique et João Neves. Des comportements d'autant plus regrettables que la réussite présente du premier, qui fut un joueur généreux et opiniâtre, n'en finit pas d'étonner : la force de conviction d'un José Mourinho, au service des certitudes d'un coureur de fond imprégné par Guardiola des principes du maître Johan Cruyff. Quant au second, de même qu'Arteta, il a fait ses classes auprès du coach des Skyblues. Dont le troisième a été l'élève.
Les perdants
Les grands perdants de la nouvelle mouture de Coupe du Monde des Clubs sont les joueurs : trop de matchs ajoutés à un calendrier déjà surchargé engendrent dans l'organisme des acteurs une accumulation de fatigue, tirent vers le bas la qualité des rencontres et multiplient les blessures. En cette saison, avoir imposé aux footballeurs des matchs en milieu de journée, sous des températures élevées, témoigne d'un mépris de la FIFA pour la santé des acteurs du spectacle ; que ne saurait faire oublier l'annulation de la « petite finale » pour la troisième place, présentée comme consentie aux Brésiliens du Fluminense afin de préparer leur match face au Cruzeiro le 18 juillet et aux Merengue de souffler avant la reprise de la Liga. Attention : soumis à la mise en péril de leur intégrité physique et de leur santé, les joueurs risquent de céder à l'insidieuse tentation du dopage.
Pour affronter ces saisons marathons, les grands clubs sont contraints d'accroître leurs effectifs en doublant, pour le moins, leurs joueurs dans chaque poste. Seules les formations les plus riches peuvent faire front, dans un marché du football devenu schizophrénique. Faute de pouvoir financer les investissements nécessaires à un maintien dans l'arrière-cour des grands, les autres clubs sont condamnés à moyen terme à la figuration, voire à des rôles secondaires. La FIFA et l'UEFA continuent pourtant à vendre aux entités modestes l'opportunité de se mesurer aux cadors. Tandis que médias, sponsors et responsables politiques locaux se félicitent de la participation de leur équipe de cœur aux majeures compétitions internationales. Voilà désormais la plupart des clubs résignés à rechercher le salut en se livrant aux appétits des richissimes pétroliers, gaziers et autres fonds d'investissement américains, chinois... Sport washing et foot business se portent plutôt bien. La FIFA et l'UEFA aussi. Mais excepté pécuniairement, pas le monde du football et les footballeurs.
Les absents
Comment ne pas regretter l'absence au tournoi mondial de clubs majeurs comme Liverpool et le Barça, respectivement triomphateurs de la Coupe d'Europe à six et cinq reprises ? Ne serait-ce que pour éviter l'inutile humiliation du 6-0 infligé par le Bayern à Auckland City, équipe composée de footballeurs semi-professionnels : un coiffeur, un enseignant, un serveur... Qui ont pris un congé pour disputer la compétition. Silence dans les rangs !