Bleus pâles

Bleus pâles

L'Équipe de France nous a offert en Islande un triste spectacle : face à une formation qui comptait sur sa seule bonne volonté, cantonnée en défense et renonçant à la possession du ballon, les Bleus ont eu toutes les peines du monde à créer du danger chez leurs vaillants opposants. Faute de soutien et de jeu vertical, les vice-champions du monde ont multiplié les passes horizontales et en retrait, impuissants à déborder sur les ailes de modestes Islandais. En mal de dynamisme, nos joueurs statiques semblaient s'accommoder de leur lenteur dans les transmissions. Ils se retrouvaient régulièrement à 3 attaquants contre 6 ou 7 défenseurs positionnés tour à tour en barrière devant la ligne de leurs 18 mètres ; ou bien en entonnoir dans leur surface de réparation. Où la présence insuffisante des Français ne trouvait pas de partenaire à la réception des centres adressés « dans la boîte ». À défaut de véritable jeu de mouvement et d'une contribution effective aux attaques de la part de leurs arrières, comment les Français pouvaient-ils espérer créer des décalages et mettre hors de position des défenseurs opiniâtres arc-boutés devant leur but ? On peut, certes, se réjouir qu'après tant d'années de défense basse, Didier Deschamps se soit récemment converti à une remontée de nos défenseurs. Mais force est de regretter le pauvre apport au jeu offensif d'une arrière-garde qui trop souvent maintient 3 ou 4 joueurs à hauteur de la ligne médiane ; un secteur où la stratégie défensive de l'équipe rivale laisse la plupart du temps un unique homme de pointe.

Jeu sans ballon

Aujourd'hui, le football voit la réussite d'un nombre croissant d'équipes pratiquant un sport de mouvement hautement collectif ; où la possession et le jeu sans ballon occupent un rôle primordial. À cet égard, l'évolution de l'organisation des principales équipes de la planète foot est source d'enseignements.

Récupérer la balle

Chaque jour davantage, la possession est privilégiée. Facilitée par la récupération du ballon, grâce à un pressing haut systématique. Rarement directe, cette récupération est le plus souvent obtenue en gênant la relance adverse afin d'entraver ses initiatives d'offensive. Faut-il rappeler qu'un pressing efficace requiert la participation de plusieurs équipiers qui harcèlent le porteur de balle et ses possibles relais immédiats ? Et que la pression sur les adversaires doit être exercée en première ligne par les avants et milieux de terrain, conjointement. Au prix d'une dépense d'énergie éprouvante, surtout de la part de joueurs tentés par la recherche de l'exploit individuel réalisé balle au pied, facteur de notoriété médiatique... et de valorisation financière !

La récupération du cuir par une formation qui défend dans l'avancée peut permettre de déclencher des contre-attaques immédiates bénéficiant de l'effet de surprise chez des rivaux soudain contraints de se réorganiser pour défendre à leur tour (marquages, comblement des espaces vides propices aux contres de l'équipe qui presse...).

Le soutien

La possession du ballon est grandement facilitée par une aide apportée constamment au porteur de balle, lui offrant le choix entre au moins 2 ou 3 alternatives de passes et/ou dribbles en étoile : devant le porteur, derrière, de chaque côté. Cette volonté de sécuriser la possession en avançant fait dire que la meilleure défense reste l'attaque. Tout comme le pressing, le soutien exige une générosité dans l'effort partagée entre chacun des membres de l'équipe. Notamment les grands attaquants, parfois rétifs à cet ingrat travail de l'ombre. Mais c'est le prix du succès offert aux équipes qui donnent la priorité à l'action collective. Si l'habit de lumière est parfois revêtu par certains, au quotidien le bleu de chauffe est de mise pour (presque) tous les footballeurs.

De bons exemples

Parmi les meilleurs élèves de la planète foot, il convient de saluer le football espagnol qui illustre le jeu offensif de possession. La philosophie et les schémas organisationnels du tiki-taka assimilés par chacun des joueurs formés à la Masía permettent de maintenir le bon niveau et la régularité des performances de la Roja ; comme la compétitivité d'un Barça en mauvaise situation financière. Soulignons les mérites du Bayern Munich qui demeure une des équipes phares du foot international, grâce à la compétence de ses dirigeants diplômés à l'école du ballon rond, attachés à un esprit conquérant et au mouvement permanent des joueurs bavarois sur le rectangle vert. Le Manchester City de Guardiola a connu ces dernières années une réussite exemplaire en pratiquant un football résolument d'attaque, largement inspiré des prêches de Cruyff au Barça. Liverpool offre un jeu spectaculaire instauré par Klopp et son gegenpressing, avec des arrières latéraux aux projections offensives déséquilibrantes. La généreuse Atalanta de Gasperini et son foot perturbateur ont forcé l'admiration de l'Europe entière. La palme du séduisant jeu collectif offensif dispensé par de jeunes footballeurs agressifs, mobiles et solidaires, est revenue cette année au Paris Saint-Germain de Luis Enrique. Grâce en particulier à un pressing d'école, exercé par de fins techniciens et d'infatigables coureurs, milieux de terrain... mais pas moitié de guerriers ; et à l'affirmation d'attaquants véloces qui ne manquent pas de culot. Le tout accompagné de l'heureuse métamorphose tardive d'un Dembélé nouveau, mettant finalement à profit ses exceptionnelles qualités. L'arrivée de Xavi Alonso à la tête du Real Madrid fait espérer pour la Maison Blanche un grand cru en 2026-2027. Le temps, pour les merengue, d'assimiler l'ambitieux système de jeu de leur nouvel entraîneur en s'appuyant sur une pression haute et l'apport offensif d'arrières latéraux qui devront se comporter en authentiques pistons, dans la tradition des Marcelo et Roberto Carlos.

Bleu horizon

L'Équipe de France est riche d'un réservoir de footballeurs de qualité faisant les beaux jours des plus grands clubs européens. Ils sont entourés de 2 top players, Mbappé et Dembélé, susceptibles de faciliter l'éclosion de jeunes pépites comme Olise et Doué. Les Bleus comptent nombre d'individualités talentueuses, qui ne sont malheureusement pas bonifiées par le manque d'un projet de jeu collectif conquérant. Un système impliquant tous les joueurs sur la pelouse, qui offre en attaque une présence suffisante dans la surface de réparation adverse, garante de la réception des centres adressés depuis les ailes ; et en défense un bloc, avec en premier rideau un pressing volontariste réalisé par les attaquants et les milieux.

La qualification au mondial 2026 est le moins que l'on puisse attendre de notre sélection nationale. Afin de concrétiser nos ambitions légitimes, il faut doter ces joueurs que nous envient bien des nations, d'une philosophie et d'une méthodologie valorisant un tel potentiel humain. À l'horizon, plus que jamais, sont de mise un pressing haut systématique, des pistons, une présence renforcée en attaque : de l'audace ! La qualification reste à gagner. En courant sans ballon !

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